Vous avez dit...Oeuvre ?..... Oeuvre d'Art......Contemporain ?

D'abord ....quelques définitions.....

  Oeuvre d’art

Une oeuvre, c'est simple, c'est le produit d’un travail.

Par exemple un jardin créé par un jardinier. Il remplit sa simple fonction de production de légumes et de fleurs et obéit à un certain nombre de critères techniques: qualité de la terre, exposition, organisation fonctionnelle de l’espace et des plantations saisonnières....

Une oeuvre esthétique est une oeuvre à laquelle son créateur a voulu apporter une dimension supplémentaire et personnelle en s’attachant à vérifier des critères esthétiques tels que: équilibre, harmonie, unité, force, dynamique,....

Dans cet exemple le jardin est alors construit avec des volumes, des formes, des proportions, des couleurs, des matériaux qui auront été pensés et choisis pour procurer cette impression d’équilibre, d’harmonie, de beauté.....etc.

Mais l’oeuvre esthétique n’est pas encore, on le sent bien, rendu au niveau de l’oeuvre d’art. Il lui faut encore une dimension supplémentaire.

 Pour moi, une oeuvre d'art sera une, unique et originale bien sûr, mais surtout il faudra qu’elle réponde à une condition forte:

Etre capable de provoquer une vibration à l'intérieur du spectateur, de l' emporter au-delà de lui même, d' établir une résonance intérieure....en somme de produire de l'émotion.

Ce critère relie, bien sûr, l'oeuvre d'art à la subjectivité du spectateur.

 Pour revenir à notre exemple, un jardin Zen peut être considéré comme une oeuvre d’art dans la mesure où sa contemplation va nous entraîner bien au-delà des pierres et des graviers qui le composent ( même esthétiquement)... dans la méditation, la sérénité et peut-être dans la perception de l’éternité.

En résumé une oeuvre d’art est une oeuvre intentionnellement esthétique (par la volonté de son créateur ) et qui a de plus un pouvoir de sublimation et la capacité à nous entraîner au-delà du contingent.

 ART = ESTHETIQUE + SUBLIMATION

Remarque 1

Il peut paraître curieux, de se référer à des critères subjectifs pour juger une oeuvre. Comment ce jugement peut-il être partagé par plusieurs personnes de sensibilité différente. En fait la société ou le groupe n'est que le reflet, à l'échelle macroscopique, des individualités d'une époque. Il n'est pas choquant de dire, par exemple, que les égyptiens des pyramides, ou les chinois de la dynastie Ming, avaient la même culture, des goûts et des aspirations identiques. Et c'est le génie des artistes que de les exprimer voire de les précéder et de les mettre ainsi à jour .

Remarque 2

Cette définition de l’oeuvre d’art (capacité à nous entraîner au - delà du réel...) pourra être considérée comme réductrice . Bon nombre d’oeuvres d’art actuelles ne semblent pas y répondre. D’abord parce que l’aspect subjectif est très important , ce qui induit des différences de perception (ceci n'est pas contradictoire avec la remarque précédente car on se situe ici à l'echelle de l'individu - échelle microscopique- et non à l'echelle d'une civilisation - échelle macroscopique) ensuite parce qu’il y a un effet d’usure de l’oeuvre d’art par le regard même. Une oeuvre trop vue ou trop répandue par les reproductions perd très vite son pouvoir magique. La Joconde a-t-elle gardée de son pouvoir magique....? (question iconoclaste... ....pardon)

Remarque 3

L’oeuvre peut atteindre immédiatement l’observateur mais il y a parfois des découvertes qui demandent du temps : il a fallu 100 ans à l’impressionnisme pour être reconnu ... Pour l’Art Contemporain, comptons aussi 100 ans ...et attendons 2030 à 2090 !

Remarque 4

C'est une définition personnelle de l’oeuvre d’art ou en tout cas une définition à laquelle j’adhère....et dans laquelle aura beaucoup de mal à s’insérer la pissotière de Duchamp.....mais nous y reviendrons.

Remarque 5

Je dois préciser que cette distinction, entre oeuvre esthétique et oeuvre d’art, est présentée par Alain Seguy-Duclos dans son livre « Définir l’Art » [A2] . Cette distinction facilite d'abord la compréhension mais permettra aussi de faire un tri dans les oeuvres qui nous sont proposées... Cependant il introduit un niveau supplémentaire entre « objet d’art » et « Oeuvre d’art » que je n’ai pas repris ici par souci de simplification.

L’art contemporain

 La première définition qui vient à l’esprit est bien entendu une définition temporelle. « est art contemporain l’art qui se fait aujourd’hui, en même temps que la société qui l’observe ».

 Cette définition présente des limites évidentes. Un artiste qui est mort peut avoir fait des oeuvres très «contemporaines » (Duchamp) par contre un peintre académique vivant aujourd’hui, ne produit pas d’Art Contemporain, même s’il est notre contemporain.

 Une deuxième définition qui paraît plus pertinente présente l’Art Contemporain comme

Art de RECHERCHE

Art EXPERIMENTAL

.....pour trouver de nouvelles formes d’expression, de représentation ( le land art, les emballages de Christo par exemple..)

Une troisième définition consiste à dire que l’Art Contemporain est cet art qui s’attache à l’esthétisation de la vie quotidienne, qui rehausse le quotidien au niveau de l’art (les ready made ..et la pissotière de Duchamp, le pop art, les boîtes de coca-cola de Wharol....). Cette définition me paraît être en fait incluse dans la précédente mais apporte un éclairage particulier sur tout un pan de l’art contemporain.

 Cela dit, ce n’est pas, à mon sens, faire oeuvre d’art que de baptiser « art » tout et n’importe quoi de notre quotidien. (voir page 2 les commentaires sur quelques essais relatifs à l'art contemporain)

 Petite remarque pour tranquilliser les inquiets:

 Les oeuvres, d’Art Contemporain, ne sont pas toutes des oeuvres d’art , contemporaines (...ou l'importance de la place de la virgule..)

Comme dans toute forme de recherche il y a des trouvailles, mais aussi des voies sans issues et pour une once d’or découverte beaucoup de tonnes de déchets à évacuer.

Parmi les oeuvres produites par l’Art Contemporain, il y a des oeuvres d’art, il y a des oeuvres seulement esthétiques et il y a des oeuvres qui ne sont rien du tout (on dira communément..... un canular...ou pire).

Bien entendu, chacun prenant position pour ou contre l’Art Contemporain, ne voit que le groupe d’oeuvres qui sert sa démonstration. Mais jamais, je n’ai vu les uns et les autres argumenter sur quelques oeuvres très précises qui appartiendraient aux différentes catégories.

Le malheur est que, dans la somme des oeuvres produites, personne ne sait ou n’ose trier. (quels sont les critères de tri....?)

Et comme tout est amalgamé, la tentation est grande pour celui dont l’oeil n’est pas exercé ou initié ou qui n’a pas une démarche volontariste, de tout envoyer à l’égout.

Aussi ne vous désespérez pas si certaines oeuvres vous font hurler car c’est peut-être vous qui avez raison . MAIS rappelez vous que vous n’avez que PEUT - ÊTRE raison et qu’il existe aussi de vraies oeuvres d’Art Contemporain ...

 Petite remarque pour les opposants purs et durs:

Etre contre l'Art Contemporain, c'est comme être opposé aux changements de saison, à l'air frais....cela n'a pas de sens. L'évolution de l'Art est une nécessité (imaginez que l'on soit entouré de Joconde depuis la nuit des temps...).

Art moderne , art post moderne, art contemporain, avant-garde

Honnêtement ...là ...ce n'est pas très clair !....Difficile d'appréhender les différences ...

Selon certains, l'art moderne était le résultat d'une évolution logique presque déterministe dans l'histoire de l'art...

et il est vrai qu'on peut trouver une continuité ou en tout cas un lien entre des écoles ou les peintres qui se sont succédés...

.......les classiques...les réalistes ...les naturalistes....les impressionnistes....Cézanne.....les cubistes....l'abstraction géométrique...

Mais ensuite....ECLATEMENT... dans toutes les directions, plus de fil directeur, plus de logique, ...un peu comme si la belle autoroute que vous suiviez, même dans ses méandres, débouchait soudainement sur une multitude de chemins de terre, courant dans tous les sens et n'hésitant même pas à remonter vers le point de départ de l'autoroute (comme la peinture de Gérard Garouste par exemple)

Voilà.. le post modernisme serait cela.....tout est permis en somme....il n'y a plus d'art institué, canalisé (même en évolution)...il n'y a plus de direction ou d'orientation générale dans l'histoire de l'art....d'où cette affirmation irritante lancée par quelques uns : "...la fin de l'histoire de l'art ".

En somme

art post moderne = art contemporain

Pour ce qui concerne les avant-gardes c'est plus compliqué car cette appellation couvre deux sens distincts qui sont pas affichés clairement ...ce qui conduit parfois à quelques dialogues de sourds [A6], les uns affirmant "la mort des avant- gardes" (encore..!) les autres affirmant qu'elles sont plus vivantes que jamais.

sens 1: "Les avant-gardes apparues dans les années 60 étaient liées aux idéologies révolutionnaires (ndlr: au sens politique) de l'époque...l'art était commenté en terme de progrès vers un avenir radieux.." [B.Goy in A6]. On sait ce qu'il est adevenu de l'avenir radieux et les lendemains qui chantent ....ces avant-gardes là sont bien mortes !

sens 2: Les avant-gardes sont ici des groupes d'artistes en rupture avec l'art du moment . Il s'agit aussi en quelque sorte d'une démarche révolutionnaire mais dans le domaine artistique et non plus politique .

ainsi on peut dire que cet esprit de renouvellement perpétuel faisant table rase du passé est bien présent dans l'art contemporain, c'est son esprit même et que les avant-gardes sont bien vivantes...

Quoique....... l'art contemporain étant totalement éclaté et multiforme on ne peut plus dire qu'il y ait un art institué contre lequel se revolter....

Ce qui caractérise l’Art Contemporain

 Ce qui caractérise le mieux l’Art Contemporain c’est la LIBERTE ILLIMITEE que s’est donnée le créateur pour accomplir sa RECHERCHE. C’est la première fois dans l’histoire de l’ART que toutes les règles ont volé en éclats, en même temps.

 Dans le passé quelques brillants ancêtres ont amorcé le mouvement:

• les impressionnistes ont pris des libertés avec le dessin, le "fini", le "léché"
• les fauves ont pris des libertés avec les couleurs
• les nabis ont pris des libertés avec le modelé
• les cubistes ont pris des libertés avec la forme
• les abstraits ont pris des libertés avec la représentation
• les surréalistes ont pris des libertés avec le rationnel

Mais ils se sont succédé et tous travaillaient encore avec certaines règles:

• Seulement deux classes bien distinctes dans l'art plastique.......Peinture / Sculpture
• le sujet pictural ..... l’éternel trio Paysage-Portrait-Nature morte
• le support ......la toile
• le médium...... la peinture

 Avec l’Art Contemporain la liberté totale s’est installée

• Liberté du sujet et des formes qui se sont poursuivies
• Liberté dans le mélange des catégories: Il n’y a plus de séparation entre peinture, sculpture, théâtre.... avec les installations ou les happening....
• Liberté des matériaux: les déchets (Arman), bois, carton, ficelle, polyuréthane (César),
• Liberté des supports: les murs (graffitisistes), les rues (Pignon Ernest), suppression de la toile et du cadre (Support Surface), la nature (Land art)
  • Liberté des outils: le feu (C.Jaccard), la fumée (N.Dolla), les doigts (L.Cane), le corps (Y. Klein), le chalumeau (César), l’électronique (Nam June Pak), la pliure (S.Hantaï)
• Liberté des méthodes: le happening (J.Beuys)

  Mais si la démarche de « liberté illimité » n’est pas criticable - C'est même un devoir d'artiste - par contre le résultat de la démarche peut l’être. On retrouve ici le vrai problème du débat actuel : opposants et défenseurs de l’Art Contemporain s’affrontent sur une question globale (l’Art Contemporain est-il bon ou mauvais ? La liberté totale est-elle acceptable ?) alors qu’il faudrait débattre sur la qualité des oeuvres produites et discuter oeuvre par oeuvre.

 C'est aussi un art fatalement dérangeant

Dans cette recherche le créateur met à jour des choses jusque - là inconnues, inhabituelles, en écart voire en opposition avec les habitudes et l’air du temps. Lorsque ces choses sont révélées, celui qui n’a pas suivi pas à pas l’évolution des idées et du processus, subit fatalement un choc qui la plupart du temps ne peut que surprendre, déranger, irriter et conduire au rejet. Voir à ce propos "Lart contemporain exposé au rejet" [A5]