Sommaire

Le Voyage commence là où s'arrêtent nos certitudes "

F.Daniel in Désirs d'ailleurs


A la lecture de livres écrits par les grands voyageurs, certaines phrases au détour des pages, apparaissent plus lumineuses que les autres. Elles parlent d' impressions que l'on a déjà vécues au cours de nos propres voyages, ou de questions que l'on s'est déjà posées.... Ces pages marquées, crayonnées, annotées.... cornées à force d'être feuilletées... deviennent le lieu d'un parcours incessant, à la recherche d'une insaisissable réminiscence ......Allez savoir pourquoi cette attente d'un bus à l'ombre des grands platanes, sur un trottoir poussiéreux de Pékin vous a un jour à ce point marqué. Des thèmes récurrents apparaissent .... et sans vouloir parfois paraphraser Malraux je les ai intitulés:

  • Le doute de l'Occident
  • L'espoir
  • L'amertume
  • L'allégresse
  • La prose poétique

 

Ces textes sont extraits des livres d'écrivains voyageurs

 

La voie cruelle Ella Maillart Voyage vers l'Afghanistan 1936
L'usage du monde Nicolas Bouvier De Genève 1953 au Khyber pass 1954
Journal d'Aran et d'autres lieux Nicolas Bouvier

Aran1985 - Japon 1970- Xian 1984

Le poisson Scorpion Nicolas Bouvier Ceylan 1981
La tentation de l'Occident André Malraux  
La traversée du monde J.C Guillebaud  

 

Le doute de l'Occident

 

Ella Maillart

"..Les invasions européennes ont lieu sous le drapeau de l'humanité et du progrès, leur but étant de sortir de leur obscurantisme de pauvres et pitoyables peuples arriérés. Ces "pauvres peuples " qui dans leur courtoisie et leur manière de vivre, se sentent infiniment supérieurs à leurs envahisseurs, sont néanmoins ébaubis de voir ceux ci parler dans un cornet noir et de converser à des lieues de distance"

"Les avantages que procurent l'hôpital, l'école, le journal ou la radio compensent ils aux yeux de l'ouvrier afghan, la perte de ce sourire facile qui accompagnait sa vie dure mais bien équilibrée de paysan ?"

"Je me demande même s'il est possible qu'un montagnard aux idées confuses désire échanger son ciel libre contre la vie de fabrique avec une chambre pouilleuse à Kaboul, afin de rire à des films dégradants tournés dans des décors de carton; afin de se faire raser chaque jour en apprenant les racontars de la ville; afin de pouvoir remplir les oreilles de ses voisins de nouvelles journalistiques mal digérées."

"..le Tibétain, le Mongol ont leur difficultés,...Mais ils sont dépourvus de notre besoin lancinant d'envisager dans son entier la misère du monde comme si nous étions Dieu !"

" N'y a t il pas un moyen terme entre l'amer savoir de l'Occidental et l'insouciance ignorance du monde propre au nomades?"

 

Nicolas Bouvier

" ...un monde de bon goût, souvent de bon vouloir, mais essentiellement consommateur, où les vertus du coeur étaient certes entretenues mais comme une argenterie de famille, qu'on réserve aux grandes occasion." (Belgrade)

" ...des bonshommes, ça manque dans nos climats où le mental s'est tellement développé au détriment du sensible..." (Belgrade)

"...Les Romains ne sont pas venus ici. Pas de Romains, pas d'urbs, pas de bornes militaires, pas de trace de ces systèmes qui réduisent la nature à des droites et des perpendicaulairs;" (Clon-mac-noïse)

"Un pas vers le moins est un pas vers le mieux. " (Ceylan)

" C'est cet esprit mécaniste et utilitaire qui aveugle et appauvrit l'Occident depuis Archimède et Léonard." (Ceylan)

 

JC Guillebaud

"...je me sentais soudain pris en flagrant délit d'"européocentrisme", ou peut être pire encore. Avais je sacrifié, depuis le matin et dans le feu du "premier regard", à la plus détestable des inconsciences voyageuses ? Celle qui, sans cesse dans le monde, trouve du charme à la misère des autres ? L'insupportable complaisance pour l'exotisme...j'étais embarrassé."

 

A.Malraux

"...L'infatigable tristesse de l'occident passe de salle en salle, tandis que le jeune génie de la Seine fait monter du fleuve un brouillard couleur de peuplier...."

 

 

L'espoir

 

Ella Maillart

"..ils savaient sourire, ils se comportaient en égaux et non comme des épaves. Ils se mouvaient avec aisance dans une vie à leur taille.""Quel poète saura chantera les camions d'Asie ? La moderne épopée du Gobi, des précipices de Birmanie, des montagnes du Shaanxi ? Qui chantera les convois bruyants qui ne peuvent attendre leurs "blessés" ?

Nicolas Bouvier

" Il en allait différemment ici; être privé du nécessaire stimule, dans centaines limites, l'appétit de l'essentiel" (Belgrade)

" Le peuple d'Iran est le plus poète du monde , et les mendiants de Tabriz savent par centaines ces vers de Hâfiz ou de Nizhami qui parlent d'amour, de vin mystique, du soleil de mai dans les saules..." (Tabriz-Azerbaïdjan)

 


L'amertume du voyage

 

Ella Maillart

" Je sais d'expérience que courir le monde ne sert qu'à tuer le temps. On revient aussi insatisfait qu'on est parti."

 

Nicolas Bouvier

"D'ordinaire, la quarantaine venant, ce vagabondage planétaire se désenchante et s'assombrit. On est obligé d'en rabattre. On chemine, on subsiste, on se culotte; les années s'ajoutent; la poursuite oublie son objet, tourne à la fuite, et l'aventure, vidée de son contenu se prolonge tout à coup d'expédients sans entrain. On s'aperçoit que si les voyages forment la jeunesse, ils la font bien passer aussi. Bref, on s'aigrit." (Kaboul Afganisthan)


" Toutes les manières de voir le monde sont bonnes à pourvu qu'on en revienne." (Belgrade)


"... Avec les histoires de bandits et de loups, bien sûr on exagère...cependant...il suffit d'un hameau de montagne misérable et isolé, d'une de ces discussions irritées à propos d'un pain ou d'un poulet où, faute de se comprendre, on gesticule de plus en plus fort, avec des regards de plus en plus inquiets jusqu'à l'instant où six bâtons se lèvent au dessus d'une tête. Et tout ce qu'on a pu penser de la fraternité des peuples ne les empêche pas de retomber." (Turquie)

 

JC Guillebaud

"..tout voyageur se persuade que son regard est différent et sa démarche noble. Le "touriste", c'est l'autre." (Ethiopie)

 

 

L'allégresse

 

Nicolas Bouvier


" Couvert de poussière, un piment à demi rongé dans la main droite, j'écoutais au fond de moi la journée s'effondrer joyeusement comme une falaise"

 

"..en touchant la porte nous retouchions terre. Le silence, l'espace, peu d'objets et qui nous tenaient tous à coeur. La vertu du voyage, c'est de purger la vie avant de la garnir" (Belgrade)


" Finalement ce qui constitue l'ossature de l'existence , ce n'est ni la famille, ni la colère, ni ce que d'autres diront ou penseront de vous, mais quelques instants de cette nature , soulevés par une lévitation plus sereine encore que celle de l'amour , et que la vie nous distribue avec une parcimonie à la mesure de notre faible coeur." (Turquie)


" Le départ est comme une nouvelle naissance et mon monde était encore trop neuf pour se plier à une réflexion méthodique. Je n'avais ni liberté ni souplesse; l'envie seulement et la panique pure et simple. Je déchirais et recommençais vingt fois la même page sans parvenir à dépasser le point critique. Tout de même à force de me buter de pousser j'obtenais parfois pour un petit moment le plaisir de dire comme j'avais pensé. Puis je débrochais, la tête chaude, et regardais par la fenêtre notre dindon Antoine..." ((Tabriz-Azerbaïdjan)


" J'étais heureux...C'éait comme une encoche sur un couteau d'assassin. Si on ne laisse pas au voyage le droit de nous détruire un peu, autant rester chez soi." (Sogwipo)


"..On ne voyage pas pour se garnir d'exotisme comme un sapin de Noël, mais pour que la route vous plume, vous rince, vous essore..." (Ceylan)


JC Guillebaud


"...courons cette fois nous plonger dans la vie. Car enfin elle est là. Celle qui piaille et trottine, celle qui grouille et qui sent; accroupie dans les marchés, concentrée sur les trottoirs, surabondante et gaie. C'est une vielle connnaisance. On peut couper beaucoup de lien et courir bien des risques pour la seule joie de retrouver ce clapotis d'humanité qui recouvre tout l'Orient et l'Asie, qui sauve la misère africaine du désespoir et qui chante, quand même, dans les bidonvilles. Oui qui chante et se dresse, jour après jour, contre la pauvreté et la faim; cette vie têtue qui ne justifie rien mais qui est....Une matière vivante en tout cas qui ne doit rien au chiffres ni même aux paysages mais qui mumure au ras du sol, dans un bruissment mélangé, la noblesse toute simple d'une présence. Et si c'était cela la vraie "culture"" (Iles Samoa)


"...C'est pour elle qu'on voyage. Pour ces bouffées d'allégresse inexpliquées qui de loin en loin vous soulèvent de terre..." (Polynésie)


"...On capte d'instinct la plus petite image, chaque bruit et chaque odeur avec autant d'avidité qu'une éponge trop sèche posée près d'une goutte d'eau.." (Polynésie)


" Dans le bonheur qui nous habite, il entre celui de la fuite, de l' arrachement à la désepérance. Soulagement ? Dans tout voyage, vient ce moment où prévaut un détachement égoïste, une insouciance qui, tout simplement va...Nous sommes calmes ce matin-là, enfin livrés à la providence.."(Djibouti)

 


La prose poétique

 

Nicolas Bouvier

" Dehors, le ciel régnait sur les maisons obscures." (Tabriz-Azerbaïdjan)

 

"..puis le soleil s'abîme derrière une mer violette en tirant à lui toutes les couleurs. Je pense à ces clameurs lamentables qui dans les civilisations primitives accompagnaient chaque soir la mort de la lumière..." (La route d'Anatolie)

 

" D'autant plus qu'une chanson sauvage résonnait dans les rues siphonnées par le vent" (Tabriz-Azerbaïdjan)


" ..à travers des horizons si grands qu'ils bougent à peine, ..." (route d'Isaphan)


"..je mesurais la patience de cuir qu'il faudrait déployer..." (Persepolis)


"...puis il s'est mis à gueuler ...sur cette ville où régnait un silence de Grande Peste..." (La route de Yezd)


"...Silence absolu et vertical...Ici, le vent même n'entre pas..." (La route de Yezd)


"...un Grec, unique armateur de ce port de sable, qui parfois lance ses camions dans la houle du soleil, vers Zahidan..." (La route de Yezd)


"...Le soleil...A sept heures, il montait déjà comme un poing dressé..."


" Lorsque le voyageur venant du sud aperçoit Kaboul, sa ceinture de peupliers, ses montagnes mauves où fume une fine couche de neige, et les cerfs volants qui vibrent dans le ciel d'automne au dessus du bazar, il se flatte d'être arrivé au bout du monde." (Kaboul Afganisthan)


"Tout l'après midi, marché dans le col en humant l'odeur de fer de novembre." (Kaboul Afganisthan)


"..Ne serait ce que pour te tenter, voilà les noms des bastions du fort: de l'Etoile, de la Lune, du Soleil, de Zwart, de l'Aurore, Pointe d'Utrecht, du Triton, de Neptune, de Chippenberg, et d'Eole. Dans un coin comme celui ci où il t'arrive de voir côte à côte un bonze safran vif, un vieux sarong violet, une jeunesse en sari rose, le tout sur fond de mer de jade et soleil couchant...." (La route du Khyber)


" ...la nuit montait du sol comme une nappe d'encre...." (Aran)


"..le vent qui tourne et ronfle autour de la maison s'attardant comme un voleur devant portes et fenêtres.." (Kilmuvry)


"...J'avais la tête claire. Les mots qui me venaient pesaient comme un caillou..."


JC Guillebaud

"..Quand ils rentrent chez eux, saouls de solitude et d'aventure, ils restent plusieurs jours sans parler.Dans leurs yeux dansent d'indicibles secrets..." (Iles Cook)


A. Malraux

"..Que ne vous ai-je rencontrés, sauvages imprévus qui présentiez aux navigateurs des fruits en forme de cornes sur des plateaux barbares, tandis que des coupoles apparaissaient entre les palmes ! O découvertes..."